Cette terre témoigne des hommes
Il est de ces photographes qui regardent les paysages de la hauteur des hommes pour y saisir l’empreinte de ce qui, à même la terre, les façonne.
Ne cherchez pas les hommes, ils sont fort discrets. Tout juste, ici une silhouette, ou bien là, un portrait. Discrets et cependant omniprésents. Ces hommes, devrait on dire ces gens, pour qui la campagne et la terre sont à la fois berceau, passion, travail et mère nourricière. Ces gens que l’on dit paysans dans un français qui se voudrait ancien et pourtant bien vivant. Ils sont là, inscrits dans la brume des paysages que dévoilent les images de Nicolas Anglade, comme une empreinte indissociable de ces champs ou chemins sur lequel son regard s’est posé. Là, dans la pénombre d’une étable où l’animal nous scrute de son œil bovin ; là, dans l’envol d’une nichée de corbeau que cette imminence a sans doute dérangé ; là encore dans une clôture qui court à travers champs ou là encore dans ce panier posé, orphelin de récolte ou impatient d’un marché ; là enfin dans un portrait d’émail, gage d’une mémoire voulue inaltérable sur une pierre tombale...
Ils sont là, invisibles et pourtant évidents, dans les errances ou flâneries en noir et blanc du photographe clermontois assigné volontaire à résidence pour un an en pays billomois. Seize images pas plus, mais d’infinies nuances, voulues comme un carnet de notes des chemins qu’il lui reste à couvrir, sur les traces de cette « petite paysannerie » qu’il se veut évoquer et faire découvrir. « M’étant octroyé une totale liberté d’action comme d’approche, cette première restitution me permet d’envisager les espaces ou les digressions qui vont désormais m’inspirer, note Nicolas Anglade. Je ne souhaitais pas m’inscrire dans le reportage mais plus dans l’évocation. Et me laisser porter par les vibrations qui émanent de cette nature intimement liée à l’essence de nous même. » Et ce premier opus, nimbé de brumes entre gris clairs et gris foncés ou puisant l’émotion dans des noirs profonds, laisse présager d’une suite faite d’images intenses et poétiques.
Patrick Ehme*
(Journal La Montagne - Dimanche 22 Janvier 2017)
*Journaliste et directeur artistique du festival international de photographie Nicéphore+